La menace des perturbateurs endocriniens
Omniprésents et tout sauf inoffensifs, les perturbateurs endocriniens infiltrent de nombreux produits d’entretien et impactent notre santé. Dans cet article, l’experte Corinne Charlier nous éclaire sur leurs effets et comment s’en protéger.

Dans nos maisons, dans nos assiettes, et surtout dans les produits d’entretien domestique que nous utilisons quotidiennement, se cachent des ennemis discrets, souvent méconnus ou ignorés, mais terriblement puissants : les perturbateurs endocriniens. Ce mot parle sans doute à la plupart d’entre vous, mais savez-vous vraiment ce que cela signifie ?
Dans l’émission C’est pas fini du 5 avril dernier, Corinne Charlier, cheffe du service de toxicologie clinique médico-légale au CHU de Liège, nous propose la définition suivante :
Un perturbateur endocrinien est un produit chimique qui dérègle le fonctionnement de nos systèmes endocriniens, c’est-à-dire les systèmes de notre organisme réglés par des hormones. Ce type de produit va faire croire à nos systèmes hormonaux que les hormones sont en circulation, alors que c’est faux ; c’est le produit chimique qui est en circulation. Cette perturbation va déclencher ou empêcher certaines réactions de l’organisme. Petit à petit, sur le long terme, cela peut avoir des conséquences néfastes sur notre santé.

En d’autres mots, les perturbateurs endocriniens (PE) sont comme des pirates informatiques : ils s’introduisent discrètement dans notre corps, imitent les signaux hormonaux et envoient de fausses instructions à nos systèmes. Résultat : notre organisme agit sur base de mauvaises informations, dérègle ses fonctions essentielles… et en subit les dégâts. À la manière d’un hacker qui sabote un programme de l’intérieur, ces substances chimiques perturbent notre équilibre biologique sans que l’on s’en rende compte, tout en polluant silencieusement l’environnement.
Certaines périodes de la vie, comme la grossesse, l’enfance et l’adolescence, sont particulièrement sensibles aux perturbateurs endocriniens, car ce sont des phases clés du développement hormonal.
Où trouve-t-on ces substances ?
Eh bien, malheureusement, elles sont un peu partout. Nous sommes, à tout moment, encerclés par un cocktail toxique invisible, dans nos produits, aliments et outils du quotidien.
Selon Corinne Charlier, beaucoup de sources sont à pointer du doigt : des produits ménagers chimiques aux emballages alimentaires (plastique souple, films étirables), en passant par les cosmétiques (vernis, shampooings, parfums), les pesticides, certaines couches pour bébé et serviettes hygiéniques, ou encore les sprays imperméabilisants que l’on vaporise sur nos chaussures et nos vêtements. Bref, la liste est longue, et il est difficile de les éviter.
Bien qu’on nous le conseille souvent, lire les étiquettes des produits domestiques avant de les acheter ressemble souvent à une mission impossible. Entre les noms chimiques imprononçables et difficiles à retenir, les innombrables synonymes pour désigner une même substance, et une réglementation encore trop permissive, il est difficile de vraiment savoir ce que l’on utilise chez soi.
Un impact sur tout l’organisme
Les conséquences néfastes des perturbateurs endocriniens ne se limitent pas à un seul domaine : elles touchent plusieurs “axes” essentiels de notre santé. D’après les propos de Corinne Charlier, voici les différents troubles que peuvent engendrer une surexposition ou une sensibilité accrue à ce type de produits :
- Axe métabolique : les PE peuvent favoriser l'obésité infantile, perturber la fonction thyroïdienne et entraîner une élévation du taux de cholestérol. Bien sûr, l’alimentation et la sédentarité jouent aussi un rôle, mais ces substances en renforcent les effets.
- Axe sexuel : ils peuvent nuire à la fertilité des femmes comme des hommes, en troublant un système hormonal déjà délicat et finement réglé. En période de grossesse, le SPF Santé Publique parle aussi d’un risque de malformation des organes génitaux chez le foetus.
- Axe neurologique : certaines expositions in utero affecteraient le développement du cerveau des nouveau-nés, créant des troubles neurologiques proches de ceux du spectre autistique. Selon Ecoconso, une exposition prénatale aux perturbateurs endocriniens - comme les phtalates (plastifiants courants dans les produits aux parfums artificiels) ou les alkylphénols (tensioactifs présents dans certains détergents, lessives, ou nettoyants concentrés) - peut tripler le risque de retard de langage à 30 mois.
- Axe immunitaire : chez les jeunes enfants fortement exposés aux PE, la réponse immunitaire peut être moins efficace, notamment après une vaccination. Leur organisme met plus de temps à produire des anticorps, ce qui fragilise leur protection face aux infections. Le développement de certains cancers ou maladies auto-immunes est également favorisé.
Des règles qui avancent, mais encore trop de failles
« La réglementation évolue, il faut le reconnaître », souligne Corinne Charlier. « Même si certains composants potentiellement nocifs sont encore sur le marché, on voit des avancées dans le contrôle des substances utilisées. Les industriels ne viennent pas encore nous demander conseil - ce serait trop beau ! - mais certains deviennent plus attentifs ».
En effet, d’après Ecoconso, la législation encadrant les perturbateurs endocriniens existe, mais reste partielle et lente à évoluer. Des stratégies nationales et européennes ont été mises en place, comme le règlement REACH, qui impose aux industriels de déclarer les substances chimiques préoccupantes, et le règlement CLP, relatif à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et des mélanges. Certains secteurs (pesticides, cosmétiques, alimentation...) sont encadrés, et des critères officiels d’identification des PE ont été adoptés depuis 2017. Le SPF Santé publique cite également la Stratégie européenne pour la durabilité des produits chimiques, lancée en 2020, qui vise à identifier et restreindre les PE, ainsi qu’à renforcer la protection des consommateurs et des travailleurs.
Cependant, face aux pressions économiques, au lobbying industriel, à la complexité des décisions (entre l’UE, les États et les régions), ainsi qu’à une règlementation plus réactive que préventive, les interdictions concrètes avancent difficilement. En somme, ça bouge... mais pas encore assez vite face aux enjeux sanitaires et environnementaux.
Nettoyer, mais à quel prix ? Focus sur les effets à long terme pour la santé respiratoire
Parmi toutes les personnes exposées aux produits d’entretien, certaines sont en première ligne : aides ménagères, agents d’entretien, personnels hospitaliers ou encore travailleurs de l’agroalimentaire. Ces métiers de l’ombre, trop souvent oubliés, passent leurs journées en contact direct avec ces substances nocives. Et les conséquences sur leurs poumons sont loin d’être anodines. Plusieurs études convergent sur un point : l’usage répété de produits ménagers chimiques (en particulier les sprays, désinfectants et détergents) est associé à un déclin accéléré de la fonction pulmonaire, surtout chez les femmes.
Une étude norvégienne menée sur plus de 6 000 personnes a révélé que chez les femmes qui font régulièrement le ménage, la capacité respiratoire baisse plus vite que chez celles qui y sont peu exposées. Chez les femmes de ménage professionnelles, cette dégradation est encore plus marquée, comparable à celle causée par environ 20 paquets-années de tabagisme - soit l’équivalent de fumer un paquet de cigarettes par jour pendant 20 ans. Chez les hommes, l’effet n’est pas significatif, probablement à cause d’expositions différentes ou d’une moindre sensibilité.
L’étude américaine Nurses Health Study II va dans le même sens : les infirmières qui utilisent des désinfectants au moins une fois par semaine présentent un risque accru de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive), une maladie respiratoire grave et souvent irréversible. En cause ? Des substances comme l’eau de javel, l’ammoniac, les alcools, le glutaraldéhyde ou les composés d’ammonium quaternaire, connus pour leurs effets irritants sur les voies respiratoires.
Au-delà du risque d’asthme et d'inflammations persistantes, ces produits ménagers chimiques, qui ne sont pas conçus pour être inhalés au quotidien, peuvent entraîner un remodelage des voies respiratoires, autrement dit une altération durable de leur structure. Devant un constat aussi inquiétant, une chose est certaine : le nettoyage, s’il est indispensable, ne doit pas se faire au détriment de la santé !
Comme le souligne Corinne Charlier, “les aides ménagères s’adaptent aux produits que nous leur mettons à disposition”. Pensons donc à ces personnes qui nettoient pour nous et faisons en sorte de leur offrir le meilleur, afin de préserver leur santé, la nôtre, et celle de nos foyers.
Des solutions pour s’en protéger
Entre dérèglements hormonaux et déclin de la santé respiratoire, les perturbateurs endocriniens représentent un enjeu majeur de santé publique. Et nos produits ménagers, parfois plus toxiques qu’utiles, en sont une source importante. Mais alors, comment se protéger face à ces composés nocifs ?
Adopter de meilleurs réflexes face aux PE commence par un changement de comportement d’achat : faire un grand ménage… dans nos produits ménagers ! D’après les conseils de Corinne Charlier, les gestes les plus efficaces sont les suivants : réduire le nombre de produits utilisés, et privilégier des formules simples. La clé, c’est de revenir à l’essentiel. Adieu les désinfectants agressifs aux promesses “miracles” et les sprays ultra-parfumés aux étiquettes interminables. Moins on multiplie les formules complexes, moins on s’expose inutilement à des substances douteuses, souvent inutiles, et parfois dangereuses.
À la place, mieux vaut se tourner vers des solutions plus douces, naturelles et respectueuses de notre santé comme de l’environnement. Ecoconso le rappelle : en cosmétique comme pour les produits ménagers, la règle du « moins, c’est mieux » reste la meilleure option.
D’autres petits gestes peuvent aussi faire la différence :
- Aérer son intérieur chaque jour (10 à 15 minutes minimum) permet de renouveler l’air et d’évacuer les polluants accumulés.
- Nettoyer régulièrement les poussières avec un chiffon humide, car celles-ci retiennent et diffusent les substances nocives dans l’air ambiant.
- Porter des gants en cas d’utilisation de produits plus concentrés, et bien se laver les mains après chaque nettoyage.
- Éviter de stocker des pesticides ou solvants à l’intérieur de la maison, notamment pour des usages comme le traitement des plantes ou l’imperméabilisation des chaussures.
→ Pour en savoir plus sur tous les bons réflexes anti-PE, nous vous invitons à parcourir les sites d’Ecoconso et du SPF Santé publique.
En faisant le choix de la simplicité et du respect, nous pouvons tous contribuer à un environnement plus sain et plus sûr… à commencer par ce qui se trouve dans nos placards.
Chez Novallie, c’est exactement cette philosophie qui nous guide. Proposer des produits doux, polyvalents, et sans ingrédients superflus. Des compositions vivantes, riches en probiotiques et en fragrances naturelles, pensées pour les personnes les plus sensibles (femmes enceintes, bébés, personnes allergiques ou plus âgées) - afin de prendre soin de son intérieur comme il se doit, tout en préservant sa santé, et celle de la planète.
Sources exploitées pour cet article :
Dumas, O. (2022, décembre 23). L’impact des produits de nettoyage et de désinfection
sur la santé respiratoire. HAL open science (PDF). ->
Les perturbateurs endocriniens. (2020, juin 4). SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement. ->
Les perturbateurs endocriniens impactent le cerveau des nourrissons. (2022, avril 29). Ecoconso. ->
Melchior, A. (2020, juillet 1). Comment éviter les perturbateurs endocriniens ? Ecoconso. ->
Melchior, A. (2020, juillet 2). Quelle législation pour les perturbateurs endocriniens ? Ecoconso. ->
Protégez-vous et votre bébé contre les perturbateurs endocriniens ! (2024, mai 15). SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement ->
Svanes, Ø., Bertelsen, R.J., et al. (2018, février 16). Cleaning at Home and at Work in Relation to Lung Function Decline and Airway Obstruction. ATS journal. ->
Virlée, M. (2025, mai 5). C’est pas fini. RTBF Auvio. ->